Avec nos Mères et Pères de la Famille cistercienne

 

J’aimerais, Seigneur,
passer ce Carême
à mourir peu à peu de tout ce qui me manque encore,
pour ne vivre que pour Toi.
Pour qu’un jour,
Tu me laisses, Seigneur,
pénétrer par la plaie de ton côté,
et m’y faire une cellule auprès de ton Divin Cœur.

Me le permettras-tu ?  

Je le demande avec ferveur à la Très Sainte Vierge Marie.

 

Saint Raphaël Arnáiz Baron,             Le dernier cahier, 8 mars 1938.

 

                                                                CHRISTIAN DE CHERGE

L’HOMME DES DOULEURS

Le grand Hallel s'achève sur le chemin de Gethsémani ;
au fond de la coupe partagée,
Jésus va goûter la lie amère du calice.
Dehors, il fait nuit... la nuit la plus longue du temps, celle de la tristesse du péché, de la torpeur du pécheur.

Les disciples s'endorment comme chaque soir.
Dans le silence du Père, seuls veillent le Fils bien-aimé et le fils de perdition.
Isolé pour cette heure de prière, dans le sang et le feu, le Fils de l 'Homme se prépare à recevoir le baiser d'Adam.

Pour que cette heure puisse durer jusqu'à la consommation des siècles,
il faut que s'accomplisse tout entière cette "Pâque tant désirée",
il faut que le Prêtre soit aussi l'Agneau du sacrifice.

Dans les ténèbres, quelques torches s'avancent maintenant,
mais la Lumière du monde les a précédées.
Bientôt il fera jour ...

Du Sanhédrin au prétoire, de Gabbatha au Golgotha, de station en station,
c'est le dernier pèlerinage du Messie dans cette Ville qui n'existait que pour lui au sein de cette Pâque instituée en son honneur.

Tout a commencé au croisillon d'une mangeoire, le nouveau-né ouvrait ses bras pour accueillir ;
dans la pesanteur du Calvaire, librement, l'Homme nouveau les ouvre encore pour tout donner.
"Père, entre tes mains, je remets mon esprit".

Ainsi se concluent les "affaires du Père", comme elles ont débuté, dans l'obéissance.

Parvenue au terme de sa course, la Parole qui a cherché le chemin de tous les cœurs
n'a plus qu'un cri à jeter pour ouvrir à tous le cœur de Dieu.

Au pied de la Croix, l'Église prend le relais : "Stabat Mater".

Tonnerre et tremblement ... "l'Homme des douleurs" reste debout, planté en ciel comme l'ancre au rivage.

L'eau jaillit, le soldat a ouvert le côté, puis les yeux se ferment.
Dans le sang qui coule, Marie revoit Cana et le vin, le meilleur, gardé pour la fin.
C'est enfin l'Heure de la mort de son Fils, celle des noces de la mort et de la Vie.
Le sépulcre est scellé. Dieu habite la mort.

Mais dans le cœur ouvert de sa Mère, déjà l'espérance habite la Vie.

                                                                                                                                                                             Méditation pour le Vendredi-Saint.

                          Sainte Gertrude d'Helfta

Ô Amour, tu retiens mon Jésus, mon doux Salut,
si fortement attaché à la croix, qu'expirant sous ta main,
il meurt d’amour !

Ô Mort très aimante, en toi sont contenus pour moi tous les biens.
Prends-moi, je t'en prie, sous ta bienveillante protection, afin qu'à ma mort, doucement je repose sous ton ombre.
Ô Mort très miséricordieuse, toi, tu es ma vie très heureuse !  Toi, tu es mon meilleur partage.
De grâce, enveloppe-moi en toi tout entière, cache toute ma vie en toi, et ensevelis en toi ma mort.

Ô Amour, cette mort qui donne si bien le salut, ce très cher partage, c'est toi qui me les as acquis !  
Toi, tu as fait pour moi des choses si grandes et si belles. Que te rendrai-je pour des bienfaits si grands et si infinis ?  
Ô Amour !  Ta divine ardeur a ouvert, pour moi, le Cœur si doux de mon Jésus.
Ô Cœur d'où coule goutte à goutte la suavité.
Ô Cœur plein de miséricorde !  De grâce, fais-moi mourir d'amour et de tendresse pour toi.
Ô Cœur très cher, je te prie d'absorber mon cœur tout entier en toi.
Perle très chère de mon cœur, invite-moi à tes festins vivifiants.
Verse-moi les vins de ta consolation, afin que mon esprit en ruine soit rempli de ta divine charité,
et que l'abondance de ta charité supplée à la pauvreté et à la misère de mon âme.

                                                                                                                                                                                                          Exercice VII